par
Collection particulière
Avec le soutien du Centre National du Livre
Publier un livre dont vous avez rêvé est un privilège. Initialement paru à 25 exemplaires, la collection rup&rud dirigée par Sébastien Smirou de 1999 à 2004 est désormais accessible à un plus grand nombre de lecteurs. Les poèmes rassemblés dans cet ouvrage sont à tous points de vue sublimes. Le hasard faisant bien les choses, ils se trouvent mutuellement des échos et sans doute tissent des liens les uns aux autres de manière non systématique. Les auteurs ont su justement s’approprier le format qui leur était offert, et qui est ici repris. Aujourd’hui, la connexion immédiate de leur intégralité présente un espace de lecture sensible et indispensable. rup&rud est le reflet d’une création poétique actuelle qui fera date.
Au sommaire :
- Simon aime Anna, Sébastien Smirou
- Abracadabra, Anne Parian
- Pose-moi une question difficile, Caroline Dubois
- et les gens contents de se baigner, Anne Portugal
- petit petit, Pierre Alferi
- Deux mondes en un, Peter Gizzi (traduit de l'américain par Sébastien Smirou)
- je ne suis pas je t’, Éric Houser
Simon aime Anna - Sébastien Smirou
mon frère peut pourrait mon
frère cher enfant pourri pourrait
si faire se peut ou pouvait encore faire
un livre sans user d’arbre
tenez accrochez-vous aux branches
entendez sans en scier oui dépliez
vos feuilles mon frère simon
peut faire un livre sans en scier
mon frère à moi nous change en or
tout ce qu’il touche ne casse pas
sa jeunesse l’histoire se passe
à la campagne et vous verrez de moi
un beau jour pour parler comme vous
dites d’or d’amour je voulais qu’il me touche
la bouche le saint toucheur j’ai une dent
contre toi a-t-il dit c’est vous dire
Abracadabra - Anne Parian
LIRE PLUSbrûlure bord du ruisseau et je le suis Alice parle aus
si nous nous sommes si bien conduit berce
perdu je le raconte là je
venais de recon
naître le chenal le cheval qui ouvrait de
vant le cavalier d’avant le chenal s’ouvrait à
tous la horde pré
venue pour de grandes réjouissances la horde là de
vant le chenal et le
cheval le cavalier
a
lors ouvrait à la
horde les caprices ô roi ô château ve
naient les hor
des se levaient devant le cavalier réel me
neur qui menait lors al
lant pour de l’autre cô
té festoyer machi
nal soldat trop hardi si jeu
ne au premier son
Pose-moi une question difficile - Caroline Dubois
Je me demande si lorsqu’on prend le symptôme d’un autre
l’autre perd son symptôme ou si l’autre conserve néanmoins son
symptôme et dans ce cas si le symptôme se dédouble pourquoi.
Pourquoi le symptôme se dédouble si en dehors de lui on décide
— entre nous — de se le répartir ou de se l’échanger ou de se le
prêter ou de se le confier ou de se le donner ou de se l’emprunter
ou de se le voler ou de se de se.
Si je prends son symptôme par exemple une toux déchirante va-t-il
néanmoins conserver sa toux déchirante ou sa toux déchirante
va-t-elle le quitter ou va-t-elle être pour lui un peu moins déchirante.
Et si la toux pour lui n’est pas moins déchirante si le symptôme se
dédouble est-ce que ça vaut la peine de prendre le symptôme de
l’autre — est-ce que ça vaut le coup si la toux pour lui n’est pas
moins déchirante.
et les gens contents de se baigner - Anne Portugal
à tout le monde commencé
téléphoné dehors ils disent
tiens on est dans un
temps on ne sait pas
ciel c’est celui que
pas d’erreur on a parlé
lampes à certains
bel air c’est tout
tranquillité le hasard
moins de gens
moins de mots
prétexte d’abord puis
deux petites croix
couloirs maintenant
se souvenant de l’étage
les autres les gens disent
c’est là et ils voient
une position encore
du monde qui est là vérifie
n’ont pu aller qu’à un endroit
un pays longtemps
qui correspond
petit petit - Pierre Alferi
Pour jouer au bord
du sens en barres
encore un peu
avant d’être acculé à dire
ceci, cela
et le tourment, le jugement :
plonger dans les préliminaires
prolonger le petit bassin.
Mousse éponge
tu te rouilles
tu es belle
et à tout jamais étrange.
Je suis berger peul
nourri au pur sang
d’un chameau vivant.
La douceur de doigts privés d’ongles
frappant un lobe :
la corde en a frémi, se tait.
Ai-je oublié quelque chose ?
Deux mondes en un - Peter Gizzi
Chapitre 1
Le frisson est apparu après que l’émetteur a disparu.
Les dossiers vie étaient rangés dans des flacons types sur une étagère métallique.
En guise de leurre, des gamins sur des vélos rouges avaient semé des œufs de couleur un peu partout dans la vallée.
On m’a raconté l’histoire de la génèse et de l’apocalypse au catéchisme.
Qui est le diable était une question récurrente.
Du matériel de plomberie et du fil de cuivre ont été retrouvés sous le canapé.
Tu attends dans un parking désert.
Chapitre 2
Un gamin s’éveilla, horrifié de découvrir qu’il était le seul à émettre.
L’étagère vie d’un simple humain n’ajoute rien à ce que le gouvernement nomme des bénéfices.
Mon leurre et moi blanchissons l’argent.
L’apocalypse n’est pas une céréale.
Dans l’intervalle, comme personne ne regardait, le diable a mis le doigt dans un livre d’o.
Derrière le chantier de cuivre, des gamins s’absorbaient dans le ricochet des étincelles sur le bitume.
À la place, aujourd’hui, il y a un parking.
Je ne suis pas je t' - Éric Houser
je ne suis pas amoureux de toi je t’
un intervalle de tierce une tierce mineure
c’est écrit je le relève c’est écrit
c’était écrit déchiffrer comme je peux
mal les mots sur tes lèvres rapides précis dans un souffle
quand tu me les souffles à l’oreille
quand tu me lis tu me souffles je t’
je ne désire pas toi tu me
tu me manques quand tu es absent tu
est absent c’est d’une banalité
je ne sais pas non je ne sais pas
ce qui est arrivé ce qui arrive on dit tout
arrive mais ça ne fait pas un tout
arrive mais je ne fais pas le départ
je m’écrie premier groupe : toi
aimer du premier groupe aussi je voudrais le gommer
comme toute copule surtout être
être ça n’a pas de sens
et la grammaire pendant que j’y suis seul
un être il n’y a pas me manque