par
Rituel immodéré
Avec le soutien du Centre National du Livre
Après P’tit déj, Confiotes, et Nous, le ciel, Rémi Checchetto s’en prend à l’apéro. C’est autour de ce rituel que les langues se délient, que les langues fourchent et laissent échapper d’étranges formules, des lapsus parfois qui en disent plus qu’on ne voudrait. À en pleurer ou à pleurer de rire.
À l’apéro des fois comme ça on abuse un peu et les lettres se mélangent gentiment et voilà qu’on se met à l’opéra, on soprane, on barytone et claironne, tous les voisins sont au courant et les chiens des alentours nous accompagnent de quelques vocalises plutôt cacophoniques, qu’on nous pardonne, c’est sans doute que la vie de ce jour était trop désaccordée, qu’elle nous a éloignés de nos violons d’Ingre et qu’elle s’y est entendue deux fois plutôt qu’une à nous envoyer dans la fosse commune, alors apéro riposte, opéra réparation, on raboute le désarticulé, on se met des paillettes, on bizette fleurette, et wagnère tonnerre, et Mozart corneillard, ô apéro opéra qui opère à gorge ouverte, ô opéra en paréo
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À l’apéro c’est parfois moins le petit blanc qui nous tourne la tête que les Apéricubes, c’est vrai ça, d’abord il y a les questions et ensuite il y a que les réponses sont écrites à l’envers, on tourne et retourne les p’tit papiers jusqu’au moment où c’est la tête qui se tourbillonne toute seule, et puis les questions coupées ça aussi ça nous chamboule les méninges et la tête avec, c’est à n’en plus finir, quels sont les pays qui ? qui quoi ? qui sont voisins de ? qui sont traversés par le fleuve Danube ? qui ont un PNB supérieur à celui du Royaume du Bhoutan ? qui causent l’espagnol ? qui ont ? qui sont, qui font ? franchement les apirécubes, les upéracibes, les cépuricabes, les machins carrés au fromage mieux vaut éviter si on veut vivre les pieds sur terre
Parfois arrivé à l’heure de l’apéro on se retourne et on constate qu’une nouvelle fois il n’y a nulle trace de notre passage tout au long de la sainte journée où on vient pourtant de passer, non, rien, rien de rien, pas même une petite branche cassée, même pas la salive d’un mot, que dalle, c’est l’heure d’arrêter le fléau et de se mettre un peu de baume au cœur, de se redonner des couleurs et une forme, c’est de la sauvegarde perso, et comme le corps c’est du sucré salé, sucré du cœur, salé du reste, on se fait un whisky cacahuètes, voilà de quoi nous sauver, voilà qui va nous permettre de retourner demain sur les chemins, en attendant, whisky cacahuètes jusqu’à plus soif, jusqu’à plus faim, jusqu’à oublier ce jour qui nous a bel et mal oublié, à la nôtre
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