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Articles pornologiques
Avec le soutien du Centre National du Livre
Singeries pour Jacques Dupin est une forme critique qui rêve son objet à partir des éléments d’une poétique dissimulée. Jacques Dupin écrit des poèmes pour trahir la poésie. Les stéréotypes de la poésie sont indissociables de la pornologie qui les double par des simulacres. Entre le poème et la poésie, entre l’écriture et l’écrire, le rire est une méthode de lecture qui secoue l’esprit de pesanteur en multipliant les singeries pour accompagner "le singe crédule" dans ses écarts. Poète, en dépit de la poésie, Jacques Dupin est un "clown coupé de l’ego."
Jacques Dupin est prêt à tout entendre, même mes singeries. Nous parlons chaque été au milieu de la nuit et des pins qui menacent, parfois je ne mesure pas la provocation, il m’écoute, son œuvre est là. Souvent un mot est l’occasion. Comme si je donnais à un mot le pouvoir de faire tomber la panoplie poétique de ce « clown coupé de l’ego ». Comme si je lisais toujours au dehors. J’ai parfois l’impression que tu es « le singe crédule » devant mes singeries. Nous sommes là face à face « comme une équation de singes ». La panoplie des mots. Les mots de la panoplie. Écart dans le simulacre.
As-tu pressenti que si, un jour, tu avais un singe devant toi, un lecteur-singe, il te prendrait au mot ?
LIRE PLUSQuand nous rions ensemble, je ne sais plus ce qui est l’objet du rire. Jacques et son poème savent rire de mon rire. Je pense aux secouements prosodiques, je vois les pins qui nous font rire jaune. Nous sommes trois au-dessus d’un précipice, le poème est là avec l’angoisse entre les pins. Le tassement du rire dans la nuit.
Nous sommes à Béziers dans le salon d’un hôtel de l’avenue Paul Riquet, Jacques vient de lire « Les simulacres d’un pornologue », il ne semble pas apprécier mes extravagances. Je sens la gêne. J’exagère.
— Francis, tu pourrais trouver les mêmes choses chez Balzac.
— Non, je ne crois pas, la pornologie est immanente à tes vers, elle accuse la panoplie.
— Mais il n’y a que toi qui vois ça.
— Je lis seulement ce que tu écris, et je le montre, je suis à l’écoute de l’écart.
— Enfin, je suis donc un pornologue ?
Je suis gêné, je fais part à Christine de ma perplexité.
— Jacques ne semble pas apprécier…
— Tu sais, Francis, il réagit ainsi parce que tu as touché juste.
Sourires échangés, complices, je marche à côté de Christine et nous nous dirigeons vers les arènes de Béziers pour assister à la corrida.
Quelques années plus tard, nous marchons rue de Miromesnil. Cadence boitée. Pas prosodique, Jacques se plaint de ne plus pouvoir marcher longtemps dans les rues de Paris, je lui dis qu’il a rejoint ses poèmes. Poèmes du corps. L’écart a trouvé sa cadence.
Francis Cohen invente une lecture qui a l'audace de parler autant des livres lus et de leur auteur que de celui qui les lit, lui dont la peur, l'émotion, l'hésitation et les insolences sont relatées avec une légèreté tendue.
Portrait de l'homme en lecteur, autoportrait en singe, lectures singes, singeries et renversements pornographiques voire pornologués : ce volume, qui réunit neuf textes écrits depuis 1995, constitue un essai critique renouvelant ce que lire veut dire.